Merck-Schering: le Remicade gâche la fête
March 10 2009 - 8:38AM
Bourse Web Dow Jones (French)
John Jannarone,
THE WALL STREET JOURNAL
L'addiction des groupes pharmaceutiques aux acquisitions refait
surface. Alors que Pfizer a déjà déboursé 61 milliards de dollars
pour Wyeth et que Roche tente de racheter Genentech pour 47
milliards de dollars, Merck vient de lancer une offre de 41,1
milliards de dollars pour s'emparer de son concurrent
Schering-Plough.
Sur le papier, l'argumentaire semble relativement simple. Merck,
dont le portefeuille de produits en développement est en train de
se vider, prend ainsi le contrôle d'une activité cardiovasculaire
très convoitée et met la main sur quelques médicaments en
développement ainsi que sur l'anti-inflammatoire à succès de
Schering, le Remicade.
Dans quelques années, les économies de coûts attendues devraient à
elles seules justifier la prime de 34%, soit 9,8 milliards de
dollars, offerte par Merck sur le cours actuel de Schering. Le
groupe s'attend à des économies annuelles de 3,5 milliards de
dollars à partir de 2011. En taxant ce montant à 30%, et en lui
appliquant un multiple de 10 fois, cela donnerait une création de
valeur de 25 milliards de dollars, soit largement plus que la prime
payée.
Mais le Remicade vient compliquer l'équation.
Le médicament dégage un chiffre d'affaires de 2,1 milliards de
dollars par an. Ces ventes proviennent d'un partenariat avec
Johnson & Johnson, qui possède les droits sur le sol américain,
alors que Schering gère les ventes dans le reste du monde. Le
problème est qu'une clause prévoit que les droits internationaux
deviendront la propriété de J&J en cas de changement de
contrôle chez Schering.
En estimant les droits internationaux du Remicade entre trois et
cinq fois le chiffre d'affaires, la note pourrait s'élever à 10
milliards de dollars. En retranchant ce montant de la valeur créee
avec Schering, la transaction proposée par Merck devient ainsi
beaucoup moins attrayante.
Pour éviter de violer la lettre de l'accord qui les lie, Merck a
monté son opération comme une "fusion à l'envers". Schering serait
en fait l'entité qui survivrait à la fusion mais changerait son nom
en Merck et serait détenue à 68% par les actionnaires actuels de
Merck. Elle serait dirigée également par le président de Merck,
Richard Clark.
Ce montage peu convaincant incitera probablement J&J à vouloir
démontrer que l'opération est en fait bien un rachat de Schering
par Merck. Ces incertitudes, associés aux risques d'exécution et au
fait que ce type de fusions géantes échouent souvent à résoudre les
problèmes de croissance à long terme, ont provoqué une chute de
7,6% lundi.
J&J pourrait engager des actions judiciaires ou essayer
d'obliger Merck à lui payer une compensation en numéraire pour les
droits internationaux du Remicade. Il pourrait également être plus
agressif et lancer une contre-offre, même si cela semble peu
probable en raison de son exposition aux produits de consommation
courante comme les crèmes solaires Coppertone ou les produits
podologiques Dr. Scholl. J&J possède déjà beaucoup de produits
de soins non pharmaceutiques.
Pour ajouter à leur inquiétude, les actionnaires de Merck pourront
constater que l'action Pfizer reste enlisée depuis que le groupe a
fait une offre sur Wyeth. On peut certes arguer du fait que cette
chute a été provoquée par la réduction annoncée du dividende. Merck
a certes exclu de faire de même. Mais les investisseurs risquent de
souffrir encore beaucoup si Merck perd la bataille du Remicade.
- John Jannarone, The Wall Street Journal