La spéculation agitant la distribution britannique ne franchira pas la Manche --DJ Plus
September 07 2021 - 3:27AM
Bourse Web Dow Jones (French)
Dimitri Delmond,
Agefi-Dow Jones
PARIS (Agefi-Dow Jones)--Cet été, leurs titres ont parfois vibré au
rythme des annonces et rumeurs provenant d'outre-Manche. Les
actionnaires de Carrefour et de Casino ne devraient toutefois pas
se bercer d'illusions. "Il y a peu de chances que la spéculation
qui agite le secteur britannique de la distribution gagne la
France, car le marché est plus stable, plus rationnel et procure
une visibilité plus importante au Royaume-Uni que dans l'Hexagone",
prévient Nicolas Champ, analyste chez Barclays.
Outre-Manche, cela fait déjà plus de deux mois que les fonds
d'investissement Clayton Dubilier & Rice et Fortress Investment
Group se disputent le contrôle de Morrison, tandis que le géant
américain du capital-investissement Apollo Global Management
songerait à s'offrir Sainsbury, selon le Sunday Times. Bernstein
parie que Tesco sera le prochain sur la liste. A l'automne dernier,
c'est le distributeur américain Walmart qui déclenchait cette
fièvre spéculative en cédant son enseigne britannique Asda à deux
entrepreneurs alliés à un fonds d'investissement anglais.
L'intérêt d'acquéreurs pour les distributeurs au Royaume-Uni
témoigne de l'amélioration des perspectives économiques du secteur
et il n'est pas fantaisiste de spéculer sur le fait qu'il n'y aura
plus, à terme, de supermarchés cotés à la Bourse de Londres,
considère Shore Capital. "L'amélioration de l'économie du secteur
reflète un mélange de ventes élevées, de redressement des
rendements en ligne, de réduction des coûts d'exploitation et de
discipline en matière de capital", détaille l'intermédiaire
financier.
"La distribution britannique présente une structure concurrentielle
plus homogène, une exposition géographique plus restreinte (souvent
limitée au seul Royaume-Uni) et une rentabilité moyenne supérieure,
ce qui facilite la tâche pour un groupe de capital-investissement",
appuie Cédric Lecasble, analyste chez Stifel.
La large dispersion géographique de Carrefour et de Casino en même
temps que leur forte exposition au marché français bride leur
intérêt spéculatif. La France est le marché européen le plus
compétitif en matière de politique de prix notamment, car dominé
par des acteurs non cotés en Bourse, dont les stratégies sont
décorrélées des exigences des marchés financiers. Entre les
dommages planétaires du changement climatique, qui aura rarement
touché autant de filières agricoles, et la boulimie des
consommateurs chinois, le contexte est "explosif" en France sur le
plan des prix alimentaires, explique Invest Securities.
La souveraineté alimentaire, enjeu dissuasif
Cette situation est préoccupante à l'aube de l'examen par le Sénat
du projet de loi Egalim 2, qui doit corriger certains manquements
du texte initial et améliorer la rémunération des agriculteurs.
Cette loi, qui devrait s'appliquer pour les négociations
commerciales portant sur l'année 2022, pose le retour à une
économie de prix partiellement administrés et va "écorner le
pouvoir de négociation des grandes enseignes françaises et leur
emprise sur la formation des prix", poursuit Invest Securities.
Autre facteur important qui ne plaide pas pour l'arrivée imminente
d'une offre de rachat visant Carrefour ou Casino : la réticence du
gouvernement français à céder la gestion de ces importants
employeurs privés à des investisseurs institutionnels ou
industriels étrangers. "En bloquant en début d'année le projet de
rapprochement entre Carrefour et Couche-Tard, au nom de la
souveraineté alimentaire nationale, les pouvoirs publics français
ont fait preuve d'une extrême fermeté, que l'on ne retrouve pas
outre-Manche", constate Clément Genelot, analyste chez Bryan,
Garnier & Co.
Douché par l'échec de ces négociations franco-québécoises qu'il
soutenait, et probablement convaincu qu'elles ne reprendront pas,
Bernard Arnault a tranché dans le vif. Le milliardaire a cédé la
semaine dernière le solde de sa participation de 5,7% dans le
capital de Carrefour, à un prix bien inférieur à sa mise de départ.
"Bernard Arnault est conscient que des industriels tels que le
britannique Tesco et l'américain Walmart n'ont aucune intention
d'acquérir Carrefour et donc de s'établir dans de nouveaux pays, vu
que les groupes de distribution s'échinent surtout en ce moment à
resserrer leur empreinte géographique", glisse un gérant basé à
Paris.
"Concernant Casino, qui fait figure de maillon faible dans le
secteur de la distribution en France avec Auchan, aucune opération
sur le capital ne devrait intervenir avant 2023, date du
remboursement d'une partie importante de la dette de sa maison mère
Rallye", estime Nicolas Champ. D'ici là, seules des cessions
d'actifs sont envisageables, et même nécessaires. "Monoprix est un
actif suffisamment différencié pour intéresser l'ensemble de la
distribution classique ainsi que de nouveaux prédateurs potentiels,
tel Amazon", considère Cédric Lecasble.
Privés d'intérêt spéculatif, Carrefour et Casino devront se montrer
irréprochables, le premier dans l'exécution de son plan stratégique
et le second dans les cessions d'actifs promises aux investisseurs.
Alors que les indices SBF 120 et CAC 40 gagnent 35% depuis un an,
les cours de Bourse des deux distributeurs progressent timidement
de 10%.
-Dimitri Delmond, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 31;
ddelmond@agefi.fr ed: ECH
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