Bruno de Roulhac,
Agefi-Dow Jones
PARIS (Agefi-Dow Jones)--2023, l'année de tous les défis pour le
secteur de l'immobilier. A commencer pour Nicolas Joly, 40 ans, qui
prendra les rênes d'Icade le 22 avril prochain. L'actuel président
de Casino Immobilier et directeur de projets M&A du groupe
Casino remplacera Olivier Wigniolle, dont la mise à l'écart à
l'issue de son deuxième mandat de quatre ans a été annoncée fin
février. La foncière, filiale de la Caisse des dépôts, a souhaité
nommer un nouveau directeur général "dans un contexte marqué par un
environnement immobilier et financier complexe et volatil mais
porteur d'opportunités".
En effet, malgré la chute de l'immobilier papier l'an dernier,
"2023 pourrait également être une année de défis pour les gérants
dans un contexte économique chahuté", anticipe Vincent Bruyère,
gérant immobilier coté chez DPAM. Les foncières ont chuté de 33% en
Bourse en 2022 (indice EPRA zone euro, dividende net réinvesti) et
"reprennent seulement 8% depuis le début de l'année, en raison de
la persistance des signaux d'inflation", explique Laurent Saint
Aubin, directeur de la gestion actions chez Sofidy. "Toutefois, le
marché voit la fin de la hausse des taux", ajoute-t-il. Aussi, des
opportunités d'investissements devraient se présenter. L'inflation
"ne devrait pas retomber sous les 2% avant 2025 et après la chute
de l'immobilier coté en 2022, l'immobilier physique pourrait être
lui aussi touché au cours des trimestres à venir avant de connaître
un nouveau cycle", précise Vincent Bruyère.
Effet positif de l'inflation sur les loyers indexés
Néanmoins, "dans une optique de long terme, les entreprises au
bilan sain et avec une stratégie claire, notamment au niveau
environnemental, constituent des opportunités", ajoute Vincent
Bruyère. Si la politique des banques centrales pèse sur le coût de
financement, l'inflation, elle, a un effet positif sur l'évolution
des loyers, grâce à l'indexation. De quoi compenser, en partie, la
légère baisse de la valeur des actifs physiques. Fin 2022, le
secteur (Europe continentale) affichait une décote de 34% sur son
actif net réévalué (ANR), induisant une baisse de 20% de la valeur
des actifs. "La baisse de 5% des valeurs d'actifs entre mi-2022 et
fin 2023, nous donnerait un potentiel de rebond sur 20% des cours
sur l'année en cours", poursuit Laurent Saint Aubin. "Les actifs
ont surtout baissé en logistique (8%), en raison de valorisations
très élevées, et dans le bureau de périphérie (-6%)".
Dans un univers inflationniste, la priorité est donnée à la
maîtrise du bilan. Ce qui nécessite "un ralentissement des
développements et acquisitions au profit de l'amélioration des
actifs pour une meilleure durabilité", poursuit Vincent Bruyère.
Aujourd'hui, beaucoup d'acteurs veulent céder une partie de leur
patrimoine pour pouvoir réduire leur dette. "Mais le marché de
l'investissement reste actuellement fermé, avec seulement des fonds
vautours exigeant des décotes jusque parfois 30%", constate Vincent
Bruyère. Les foncières les moins endettées "doivent aussi racheter
des actifs. Or elles sont trop frileuses et n'ont pas de stratégie
de conquête", s'inquiète Laurent Saint Aubin.
Dans ce contexte, DPAM privilégie quatre compartiments : la
logistique, la santé, le commerce de proximité et le résidentiel
étudiant. En logistique, les propriétaires profitent de deux
atouts. D'une part, les baux sont de long terme et "les locataires
investissent en technologie dans les bâtiments, permettant
également un pouvoir accru de négociation pour relever le loyer au
moment du renouvellement du contrat", constate Vincent Bruyère.
D'autre part, une forte tension sur le foncier, et une demande
accrue pour des actifs bien situés, permettent d'augmenter les
loyers.
Pour jouer le thème de l'inflation, "je suis plus intéressé par des
baux de court terme", ajoute Vincent Bruyère. "Le logement
étudiant, avec une demande toujours plus forte, permet de remonter
le loyer chaque année."
Accent mis sur le résidentiel allemand
Pour 2023, Sofidy fait le choix de repondérer "massivement" le
résidentiel allemand, secteur le plus corrélé à l'évolution des
taux. La société de gestion privilégie aussi les valeurs "capables
d'imposer et de maintenir une indexation des loyers à la fin du
bail", autrement dit les secteurs où la demande dépasse l'offre :
les bureaux de centres de métropoles et les commerces de flux
(gares, zones commerciales,...). Les niches comme la logistique
urbaine, les résidences étudiantes ou les entrepôts de stockage
pour particuliers continuent à avoir un véritable attrait pour
Sofidy. "Le niveau et l'échéancier de la dette constitue notre
deuxième clé de sélection", poursuit Laurent Saint Aubin. "Si les
foncières sont actuellement notées en 'investment grade', la
dégradation d'un cran entraînerait des conséquences très fortes sur
leur coût de financement", souligne-t-il.
Le commerce de proximité bien implanté et aux loyers relativement
faibles constitue un segment intéressant et résilient. Pour leur
part, les centres commerciaux ont retrouvé, en moyenne, leur niveau
d'activité de 2019, et profitent de la hausse du chiffre d'affaires
des commerçants avec l'inflation. "Le risque est celui de la
faillite de leurs locataires, notamment avec le trop grand nombre
d'enseignes textiles dans les centres commerciaux européens",
prévient DPAM. Le résidentiel allemand coté "offre aussi des
opportunités, compte tenu des valorisations attractives, sous
réserve d'un endettement limité", assure Vincent Bruyère.
La Bourse manque de foncières
Dans les bureaux, en l'absence de tensions offre/demande, avec des
taux de vacance parfois supérieurs à 10%, hormis le quartier
central des affaires (QCA), et des franchises en hausse et élevées
- jusqu'à 33% à La Défense - face à des loyers faciaux stables, "ce
n'est pas le moment d'y investir sereinement", résume Vincent
Bruyère. "Les propriétaires doivent être lucides et abaisser leur
prix de vente pour redynamiser le marché de l'investissement de ce
segment."
L'attrition de la cote devrait être une inquiétude. "Pourquoi la
France n'a qu'une dizaine de foncières liquides, l'Italie une
seule, mais la Belgique une quinzaine ?", s'interroge Vincent
Bruyère, anticipant une poursuite du mouvement de concentration, et
se demandant pourquoi les fonds américains ne sont pas plus
présents en Europe. Dans les mois à venir, les fusions et
acquisitions devraient reprendre, les sociétés au bilan sain et peu
endettées constituant des cibles potentielles.
"En raison de leur faible valorisation, six foncières (quatre de
bureaux et deux de commerces) ont quitté la Bourse en Europe l'an
dernier, rachetées par des fonds", rappelle Laurent Saint Aubin,
anticipant aussi un mouvement de concentration. "Seuls les Belges,
plus entrepreneurs, introduisent régulièrement des foncières. Les
investisseurs s'intéressent aux actifs immobiliers des sciences de
la vie, mais aucun acteur n'est coté en Europe. En outre, le statut
REIT (SIIC en France) est souvent réduit à ses avantages fiscaux",
poursuit le directeur de la gestion actions chez Sofidy. Un
réaménagement du régime SIIC pour donner un nouvel élan à la cote
ne serait-il pas souhaitable ?
-Bruno de Roulhac, L'Agefi ed: VLV
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March 06, 2023 03:31 ET (08:31 GMT)
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