PARIS (Agefi-Dow Jones)--OVHcloud redescend de son nuage. Mercredi,
l'action du spécialiste des services d'informatique dématérialisée
("cloud") a clôturé en baisse de 9%, à 10,38 euros, après avoir
inscrit un nouveau plus bas historique à 9,60 euros en séance. En
cause, l'avertissement sur les résultats de l'exercice qui
s'achèvera fin août émis par l'entreprise, qui a été pénalisée au
premier semestre par l'inflation de ses coûts salariaux et
opérationnels.
Depuis le début de l'année, l'action OVHcloud affiche la plus
mauvaise performance (-35%) de l'indice SBF 120 derrière le groupe
de maisons de retraite en difficulté Orpea (-48,4%).
Dans ce contexte boursier chahuté, le président du conseil
d'administration et fondateur d'OVHcloud, Octave Klaba, a accordé
un entretien à l'agence Agefi-Dow Jones. Accompagné du directeur
général, Michel Paulin, le dirigeant dresse un bilan à mi-parcours
du plan stratégique à cinq ans dévoilé par la société lors de son
introduction en Bourse, en octobre 2021. Octave Klaba détaille
également les perspectives d'un secteur jeune, nécessitant
l'émergence d'une alternative européenne face aux géants
américains, au nom d'une indispensable souveraineté, et précise ses
projets autour du possible rachat de Qwant.
Agefi-Dow Jones: L'avertissement que vous avez émis sur les
résultats 2022-2023 d'OVHcloud a provoqué une lourde chute de son
cours de Bourse mercredi. Pouvez-vous rassurer les investisseurs
quant à votre capacité à répondre aux attentes du marché pour les
mois à venir ?
Michel Paulin : Nous sommes convaincus d'être sur la bonne voie
pour atteindre nos nouveaux objectifs pour l'exercice 2022-2023,
car la croissance de notre chiffre d'affaires s'est accélérée entre
le premier trimestre (+11,7% en données comparables) et le deuxième
(+13,9%). Aussi, cette croissance est aujourd'hui équilibrée d'une
région à une autre puisque nos revenus ont progressé de 12,8% en
France au premier semestre, de 13,1% ailleurs en Europe et de 12,6%
dans le reste du monde, en données comparables. Nous tablons aussi
sur une amélioration de notre rentabilité au second semestre de
l'exercice en cours, par rapport au premier, grâce à une meilleure
stratégie de couverture des risques vis-à-vis des prix de
l'électricité en Allemagne et à la contribution de la hausse
progressive de nos tarifs.
Agefi-Dow Jones: Au vu de la mauvaise performance de l'action
OVHcloud depuis son arrivée sur Euronext Paris il y a 18 mois,
regrettez-vous d'avoir introduit la société en Bourse ?
Octave Klaba : Non. Après 20 années d'existence, OVHcloud avait
besoin de gagner en visibilité, auprès de ses clients notamment.
Mais l'apprentissage de la Bourse est difficile et le principal
défi pour nous est désormais de gagner en crédibilité et de
démontrer aux investisseurs que les solutions d'OVHcloud peuvent
être des alternatives à celles proposées par les groupes
américains. Cela passe essentiellement par la fabrication de
produits de qualité, fiables et disponibles. Etre cotée en Bourse
oblige aussi l'entreprise à présenter ses projets et à tout faire
pour les réaliser. C'est comme cela que nous rétablirons la
confiance.
Agefi-Dow Jones: Comment identifiez-vous les futurs relais de
croissance d'OVHcloud ? Et quels sont-ils ?
O. K. : Explorer les nouvelles opportunités de croissance fait
partie de mon quotidien. Mais, chaque fois que je propose à nos
équipes de développer une nouvelle activité, celle-ci doit pouvoir
réaliser entre 1 million et 2 millions d'euros de chiffre
d'affaires par mois en l'espace de trois ans. Selon ces critères,
le métier de l'observabilité est le plus prometteur.
[L'observabilité est la capacité logicielle d'expliquer tout état
d'un système informatique en fonction de ce qu'il renvoie,
ndlr]
Agefi-Dow Jones: Aurez-vous besoin de faire appel au marché pour
financer vos investissements à venir ?
O. K. : Non, car notre position financière est extrêmement saine et
notre plan de développement à horizon 2026, présenté en 2021 lors
de l'introduction en Bourse, est entièrement financé. Cependant,
nous pourrions faire appel au marché en cas de besoin afin de
réaliser une opération de croissance externe. Mais ce sera très
probablement après 2026.
Agefi-Dow Jones: Vous avez annoncé, le 11 avril, le rachat du
moteur de recherche français Qwant, avec le concours de la Caisse
des dépôts, pour bâtir une nouvelle plateforme de services basés
sur le cloud, Synfonium. Quel est le calendrier ? Et votre démarche
personnelle débouchera-t-elle, à terme, sur un accord avec OVH
?
O. K. : Nous avons signé une exclusivité pour discuter. Pour ma
part, je me suis donné jusqu'à début juin pour rendre une décision
- si j'y vais ou pas, si cela me semble exécutable ou pas. Nous
travaillons sur des choses concrètes. L'idée est de démarrer de
Qwant, ce qui n'est pas simple : nous avons mis des conditions
suspensives dans l'accord. Mais c'est le bon moment pour racheter
un moteur de recherche, alors que le phénomène ChatGPT va impliquer
une disruption dans le 'search'.
Si cela se fait, l'idée est de monter un portail européen de
services basés sur le cloud, disponible dans plusieurs langues, sur
lequel on pourrait afficher des innovations européennes. Nous
regardons pour y greffer des services, tels qu'un seul 'login' pour
se connecter sur la plupart des services, des services gratuits
(courriel, vidéoconférence, tchat, etc.) et des services
payants.
Il faudrait aussi que ce soit un portail neutre, où même des
concurrents et partenaires de l'ordinateur virtuel Shadow
pourraient proposer leurs solutions. J'essaie de créer une masse
critique de clients européens sur ce portail, de montrer qu'il y a
des alternatives européennes à Office 365 et consorts. D'ici dix à
20 ans, je vise 100 millions d'utilisateurs, 3 millions de clients
et du chiffre d'affaires.
Peut-être que je ne vais pas réussir, mais si je n'essaie pas, qui
en Europe va essayer ? On va voir où cela va nous mener, je n'ai
pas peur de me planter. OVH pourrait probablement être le
fournisseur de cela, mais sera-t-il le seul, je n'en sais rien.
Agefi-Dow Jones: On parle beaucoup d'une nécessaire souveraineté
dans le cloud européen. OVHcloud met en avant la localisation de
ses infrastructures en France et le sceau de l'Agence nationale de
la sécurité des systèmes d'information, l'Anssi, sur son offre
Private Host Cloud, l'une des rares bénéficiant du label de
confiance SecNumCloud. Est-ce que l'écosystème du cloud européen
commence à se structurer à vos yeux ?
O. K. : La réglementation avance en Europe. C'est un héritage de
notre histoire, on régule d'une certaine manière la vie numérique,
autour du respect de la vie privée. Je suis un Européen : j'ai vécu
en Pologne, j'adhère à cette approche, même si elle est parfois un
peu complexe. Il y a beaucoup de changements qui arrivent dans le
domaine numérique, par exemple la question de la gestion des
données de santé de la population. Nous pensons que cela va arriver
dans d'autres domaines.
Comme nous sommes structurellement européens, nous savons répondre
à tous ces enjeux - contrairement aux Américains. C'est à nous de
démontrer que nous avons des produits et des stratégies qui
répondent aux besoins de nos clients.
Il nous manquait des produits pour être une alternative crédible
aux produits américains, il y a encore deux ans et demi de travail
pour les lancer, pour adresser ces marchés et certifier ces
produits - la nouvelle certification Health Data Club (HDS) est en
train d'arriver. Nous allons investir un milliard d'euros dans les
nouveaux produits pendant cinq ans - même si les Américains
investissent beaucoup plus d'argent, au moins j'y vais.
Agefi-Dow Jones: Vous avez notamment annoncé, début février, la
construction de nouveaux 'datacenters' en Inde, où Apple inaugure,
cette semaine, ses premiers Apple Stores et localise une partie de
sa production. En quoi est-ce stratégique ?
O. K. : Nous avons décidé de nous développer en Inde depuis deux
ans et demi, mais c'est compliqué légalement. Mais ça y est, notre
datacenter est opérationnel, nous avons commencé à vendre. C'est un
bon démarrage pour nous. C'est un énorme pays, un peu compatible
avec nous parce qu'il est frugal. Il y a beaucoup de demandeurs
d'infrastructures basiques pour monter des services de cloud public
et pour créer des plateformes.
Nous cherchons à nous implanter dans des zones géographiques où
nous pouvons délivrer de la valeur pour des clients locaux, des
services, sans se poser la question de la protection des données
(la 'privacy') - nous n'avons donc jamais développé de datacenters
en Russie ni en Chine.
-Propos recueillis par Capucine Cousin et Dimitri Delmond,
Agefi-Dow Jones +33 (0)1 41 27 47 31; ddelmond@agefi.fr ed: VLV
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April 20, 2023 02:54 ET (06:54 GMT)
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