Une enquête préliminaire a été ouverte mercredi après des actes
de malveillance d'une ampleur sans précédent sur le réseau français
de fibre optique, ayant entraîné des ralentissements et des
coupures d'accès à internet dans plusieurs grandes villes, dont
Grenoble, Besançon, Reims et Strasbourg.
L'enquête a été ouverte pour "détérioration de bien de nature à
porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation", "entrave à
un système de traitement automatisé de données" et "association de
malfaiteurs", a annoncé le parquet de Paris.
Les investigations, a précisé cette source, ont été confiées à la
DGSI, le renseignement intérieur, et à la Direction centrale de la
police judiciaire (DCPJ).
"Ce genre d'incident de cette ampleur, ça n'arrive jamais", a
déclaré à l'AFP une source proche du dossier. "C'est la première
fois et on ne sait pas qui c'est, pour l'instant", a-t-elle
poursuivi, indiquant que des dispositifs de surveillance avaient
été mis en place pour éviter que cela n'arrive ailleurs.
- Réparations en cours -
En fin de journée, le site Zone ADSL avait recensé 9.741 pannes sur
l'internet fixe en France ces dernières 24 heures, perturbant
majoritairement les clients de l'opérateur Free et dans une moindre
mesure SFR.
A 18H00, les connexions étaient "rétablies sur les zones touchées",
a annoncé la fédération française des télécoms, au nom de
l'ensemble des opérateurs.
"Les travaux de réparation sur les câbles sont néanmoins très
lourds et se poursuivent toujours à l'heure actuelle", a-t-elle
ajouté.
"Les attaques ont eu lieu cette nuit à 04H00. Depuis ce matin, les
équipes sont mobilisées", a déclaré à l'AFP l'opérateur Free.
Plusieurs de ses clients se sont plaints sur Twitter de n'avoir
plus aucun débit internet via leur Freebox après une coupure
survenue dans la nuit.
"Trois des quatre artères de Free", appelées "backbone" "ont été
vandalisées", ont indiqué d'autres sources.
SFR a de son côté constaté "plusieurs coupures de fibre" autour de
Lyon et en Ile-de-France, confirmant la piste du vandalisme.
Selon les premières constatations, ce sont des câbles "longue
distance" inter-régionaux en fibre optique qui passent le long des
autoroutes, des voies ferrées et voies navigables, qui ont été
sectionnés volontairement en plusieurs lieux, notamment la liaison
Paris-Lyon et Paris-Strasbourg.
En revanche, leur concurrent Bouygues Telecom "n'utilise pas les
liens concernés par ces dysfonctionnements et les services mobiles
et fixes sont assurés normalement", a déclaré le groupe à
l'AFP.
Orange n'est pas non plus concerné par les coupures, selon un de
ses porte-parole.
- "Terrorisme numérique"? -
Colonne vertébrale d'un réseau internet, le "backbone" sert à
interconnecter le trafic internet entre différentes zones
géographiques grâce à des fibres à très haut débit.
"C'est une espèce de +hub+ de la fibre", explique un industriel du
secteur. "Quand tu coupes ça, tu coupes l'accès à toute une
région".
Une coupure peut toutefois être contournée grâce à l'interconnexion
des réseaux et les opérateurs peuvent ainsi fournir un service
dégradé.
"C'est un peu comme si des autoroutes étaient coupées, et qu'il
fallait rediriger le trafic sur des nationales", a commenté Sami
Slim, directeur général de Telehouse, l'une des plaques tournantes
du trafic internet en France.
"Est-ce qu'il s'agit d'un acte de terrorisme numérique? Peut-être.
Il y a eu là un impact majeur car la coordination des attaques sur
les câbles a été bien faite, par de gens qui inévitablement
connaissent le réseau", estime auprès de l'AFP Nicolas Guillaume,
dirigeant de l'opérateur alternatif dédié aux professionnels
Netalis.
Celui-ci, qui entend déposer plainte, a subi "soit des
ralentissements (du trafic) très forts, soit de rares interruptions
de service pendant un peu plus de 2 heures" sur la région
Bourgogne-Franche-Comté.
"Compte tenu du caractère essentiel et stratégique des réseaux
aujourd'hui, de telles coupures sont susceptibles d'engendrer des
conséquences dramatiques", a déploré Philippe Le Grand, le
président d'InfraNum, fédération qui réunit l'ensemble des
industriels des infrastructures numériques françaises.
"Nous réitérons notre appel au futur gouvernement d'intensifier la
lutte et la prévention contre ces actes de vandalisme et nous
appelons à durcir les sanctions pénales à l'encontre de leurs
auteurs", a de son côté plaidé Arthur Dreyfuss, président de la
Fédération française des télécoms.
En mars 2020, des câbles télécoms avaient été intentionnellement
coupés en Ile-de-France, à Vitry et à Ivry (Val-de-Marne), privant
momentanément d'accès à internet des dizaines de milliers d'abonnés
d'Orange tandis que des centres de données voyaient leurs activités
perturbées.
Une enquête avait été ouverte mais l'une des parties au dossier a
indiqué mercredi à l'AFP n'avoir eu "aucune nouvelle des autorités"
à ce sujet.
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April 27, 2022 13:12 ET (17:12 GMT)
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