Martin Peers,



DOW JONES NEWSWIRES



Si la crise économique peut sembler se dissiper, les médias traditionnels ne paraissent guère sortis d'affaire.



De fait, le bouleversement suscité par la technologie numérique, et par Internet en particulier, risque de laisser durablement son empreinte, même si les dépenses des annonceurs et des consommateurs recommencent à augmenter.



Néanmoins, la crise pourrait au moins avoir le mérite de montrer dans quelle mesure la chute des dépenses publicitaires et des ventes de DVD était conjoncturelle ou structurelle.



Le changement d'habitudes se manifeste de plusieurs façons. Les dirigeants de Time Warner (TWX) et de Walt Disney (DIS) ont ainsi noté lors de récentes conférences téléphoniques sur les résultats de leurs groupes que les annonceurs achetaient des créneaux publicitaires à une échéance beaucoup plus proche de la date de diffusion des spots, ce qui pèse sur la demande dans le cadre des négociations préalables annuelles de ventes de publicités télévisées. Compte tenu des questions entourant la publicité télévisée actuellement, ce changement de timing pourrait devenir permanent, rendant plus difficile une planification par les médias.



Pour les investisseurs, la récession a permis un changement d'attitude salutaire vis-à-vis du potentiel d'Internet en tant que modèle économique. Après s'être comportés comme des moutons durant plusieurs années en offrant une partie de leur meilleur contenu gratuitement en ligne, les patrons de la presse et de la télévision revoient désormais leurs copies. Il est clair à présent que le succès spectaculaire de Google (GOOG), qui est parvenu à développer une activité hautement lucrative grâce au trafic Internet de masse qu'il suscite, était quelque chose d'exceptionnel. Mais attirer un large public en ligne ne garantit pas systématiquement d'engranger des recettes publicitaires suffisantes pour subvenir aux besoins d'une grande entreprise.



Parallèlement, les groupes de médias cherchent des solutions pour remédier à la baisse des dépenses publicitaires sur plusieurs fronts. Dans la presse écrite, New York Times Co. (NYT) mène actuellement une étude pour déterminer le nombre de lecteurs qui seraient disposés à payer pour accéder à son contenu en ligne. Le propriétaire du Wall Street Journal, News Corp. (NWSA), a, lui, annoncé qu'il allait commencer à faire payer l'accès à l'ensemble des sites Internet de ses journaux.



Un mouvement similaire est en cours à la télévision. Time Warner et Comcast (CMCSA) ont signé des accords avec un nombre croissant de chaînes par câble pour tester la technologie permettant d'offrir leurs programmes en ligne, à la condition cependant que les usagers s'abonnent également au câble. Les réseaux de télédiffusion ont pris l'habitude depuis longtemps d'offrir gratuitement l'accès à leurs programmes les plus populaires, mais l'initiative du câble pourrait leur donner un bon prétexte pour faire machine arrière.



Pour beaucoup, offrir tout gratuitement ne rime plus à rien désormais. Mais restreindre l'accès risque de pousser certains consommateurs à rechercher d'autres sources de contenu, soit de faible qualité, soit piraté.



Cette menace pèse moins sur le divertissement que sur l'information cependant. Le fait que HBO réussisse à faire payer un supplément pour certains de ses programmes montre que les consommateurs sont disposés à dépenser un peu plus pour regarder un contenu de qualité. Et comme la télévision par câble et les sociétés de téléphonie participent à l'offre vidéo, et fournissent également un accès Internet haut débit, elles sont particulièrement motivées pour lutter contre les pirates, gros consommateurs de bande passante, ce qui est moins vrai dans l'industrie musicale.



Il va falloir des années aux médias pour trouver le meilleur modèle économique applicable au numérique. Mais la récession pourrait bien leur avoir donné un coup de pouce non négligeable dans leur quête.



-Martin Peers, Dow Jones Newswires