Le secteur bancaire européen retient son souffle, à deux jours
du référendum du 4 décembre sur le projet de réforme
constitutionnelle voulu par le président du Conseil italien, qui a
mis son poste dans la balance. Si, comme les sondages le prédisent,
le "non" l'emporte dimanche, conduisant à la démission de Matteo
Renzi, la crise politique qui s'ensuivrait en Italie porterait un
rude coup à l'économie déjà exsangue de la péninsule.
Le secteur bancaire italien, qui ploie sous 360 milliards d'euros
de créances douteuses héritées de la longue récession connue par le
pays, se trouverait encore davantage affaibli. Preuve que les
investisseurs redoutent ce scénario, l'indice FTSE des banques
italiennes décroche de 47,2% depuis le début de l'année.
Mais les répercussions de cette crise économique et bancaire
pourraient dépasser les frontières italiennes. Ce n'est pas un
hasard si l'indice Stoxx Europe 600 Banks chute de 12,39% depuis le
1er janvier, une baisse près de deux fois supérieure à celle du
marché européen, tous secteurs confondus. L'Italie n'est autre que
la troisième économie de la zone euro et constitue donc un
partenaire commercial et financier très important pour ses voisins,
dont la France.
Dans une note publiée le 13 juillet, Jay H. Bryson, économiste chez
Wells Fargo Securities, citant les chiffres de la Banque des
règlements internationaux (BRI), souligne que, "de tous les
établissements bancaires étrangers, les banques françaises sont les
plus sensibles à l'évolution de l'économie italienne, avec une
exposition globale de près de 300 milliards de dollars (281
milliards d'euros)."
"Près des deux tiers de cette exposition totale des banques
françaises portent sur le secteur privé italien non bancaire, à
savoir les entreprises", précise Jay H. Bryson. "L'exposition des
banques françaises à l'Italie, et à l'Espagne, est plus importante
aujourd'hui qu'elle ne l'était vis-à-vis de la Grèce au moment de
la crise des dettes souveraines dans la zone euro en 2011",
souligne Andréa Tuéni, analyste chez Saxo Banque.
L'exposition des banques françaises à l'Italie s'élève à 217,5
milliards d'euros
Gildas Surry, analyste et gérant chez Axiom Alternative
Investments, préfère, lui, se référer aux données de l'Autorité
bancaire européenne (EBA) : "L'exposition des banques françaises
aux particuliers, aux entreprises, aux institutions bancaires et à
la dette souveraine en Italie s'élève au total à 217,5 milliards
d'euros, en cumulant l'évaluation des risques de crédit par la
méthode de la notation interne et leur évaluation par la méthode
standardisée, selon les chiffres de l'EBA au 30 juin 2015
(dernières données disponibles)."
Sur ce total de 217,5 milliards d'euros d'exposition à l'Italie,
l'essentiel provient des quatre plus grandes banques françaises, à
commencer par BNP Paribas (131 milliards d'euros), suivie du groupe
Crédit Agricole (59 milliards), de Société Générale (16,2
milliards) et du groupe BPCE (Banque Populaire Caisse d'Epargne),
avec 10,7 milliards d'euros, un montant "dont l'essentiel provient
de (la filiale) Natixis, via ses activités de marché et de prêt aux
collectivités locales", précise Gildas Surry.
Si BNP Paribas et le Crédit Agricole figurent en tête des banques
les plus exposées à l'économie italienne, c'est parce que ces deux
groupes possèdent des filiales importantes de l'autre côté des
Alpes, avec BNL pour la première et Cariparma pour la seconde.
"Outre leur exposition directe à l'économie italienne, certaines
banques détiennent des titres de dette senior et/ou subordonnée de
banques italiennes, via des mécanismes naturels de participations
croisées", complète Andréa Tuéni, chez Saxo Bank.
La BCE à la rescousse
A cela s'ajoute la détention de dette souveraine italienne par les
banques françaises. Là encore, selon les chiffres de l'EBA cités
par Gildas Surry, chez Axiom, sur le total de 35,76 milliards
d'euros d'exposition des banques françaises à la dette souveraine
italienne, BNP Paribas arrive en première position, avec 12,65
milliards. Viennent ensuite BPCE, maison-mère de Natixis, avec 6,11
milliards d'euros, le Crédit Agricole (5,86 milliards), puis cinq
banques dont Société Générale et le Crédit Mutuel.
"Les banques françaises se sont positionnées de façon assez
importante sur la dette souveraine italienne, qui offre un
rendement beaucoup plus élevé que celle de pays comme la France,
l'Allemagne et les Pays-Bas, tout en étant notée "investment grade"
(par les agences d'évaluation financière) et en bénéficiant de la
protection de la Banque centrale européenne (BCE), au travers de
son programme de rachats d'actifs", explique Daniel Gérino,
président et directeur de la gestion de Carlton Selection.
Compte tenu des expositions des banques françaises à l'Italie, dans
quelle mesure sont-elles menacées si le "non" l'emporte lors du
référendum de dimanche ? Si la BCE n'agissait pas, la tension sur
les taux deviendrait telle que "les banques françaises seraient
contraintes de passer des provisions sur les emprunts d'Etat
italiens qu'elles détiennent, qui subiraient une forte
dégradation", prévient Daniel Gérino.
Une victoire du "non" provoquerait en outre un blocage politique
qui dégraderait encore davantage l'économie italienne, avec à la
clé une nouvelle hausse des créances douteuses, "ce qui serait
problématique pour les financements mis en place par les banques
françaises en Italie", ajoute le président de Carlton Selection.
Mais celui-ci ne croit pas à ce scénario catastrophe : "La BCE ne
pourra pas se permettre de ne pas intervenir en rachetant du papier
italien", compte tenu du poids du pays dans l'économie de la zone
euro.
Des banques concentrées sur des entreprises italiennes
exportatrices
Gildas Surry se veut lui aussi rassurant : "Si l'issue du
référendum devait entraîner des dépréciations de titres de dette et
des revalorisations de créances, cela affecterait surtout les
banques italiennes car les établissements bancaires français ont
tendance à se concentrer sur des emprunteurs de bonne qualité en
Italie."
Interrogées par Dow Jones Newswires, les banques françaises
soulignent que leur clientèle italienne est principalement
constituée d'entreprises internationales, autrement plus robustes
que les PME et PMI qui représentent une grande partie du tissu
économique de la péninsule. BNL, (BNP Paribas), qui a entrepris
depuis plusieurs années de se recentrer sur des entreprises
italiennes exportatrices, a ainsi vu son coût du risque (provisions
pour risques d'impayés) chuter de 94 millions d'euros sur le seul
troisième trimestre 2016.
De son côté, André Tuéni estime qu'une victoire du "non" au
référendum italien du 4 décembre "pourrait entraîner une chute
assez importante des cours de Bourse des banques françaises, sans
doute de l'ordre de 10% sur une semaine, comme cela avait été le
cas lors du Brexit en juin", avant que les cours se stabilisent.
Pas moins mais pas davantage, non plus.
Si l'Italie ne semble donc pas représenter un péril pour les
banques françaises, qu'en est-il des autres pays fragiles de la
zone euro? Selon les chiffres de la BRI, les expositions des
banques françaises à la Grèce (1,53 milliard d'euros) et au
Portugal (12,18 milliards) sont sans commune mesure avec celle à
l'Italie. Leur exposition à l'Espagne se monte en revanche à 100,47
milliards d'euros mais l'économie de ce pays se redresse depuis un
an et demi et sa crise politique s'est achevée fin octobre avec la
réélection de Mariano Rajoy à la présidence du gouvernement.
L'impact d'un "no" italien sur les autres économies périphériques
de la zone euro devraient donc se révéler mineur pour les banques
françaises.
-Christine Lejoux, Dow Jones Newswires ; 33 (0)1 41 27 48 14 ;
christine.lejoux@dowjones.com ed : ECH
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December 02, 2016 05:27 ET (10:27 GMT)
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